Que savons-nous sur la durabilité des programmes d'hygiène ?
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Écrit par Anika Jain
Mis à jour il y a plus d’une semaine

Pour que les programmes d'hygiène soient durables, plusieurs dimensions sont à prendre en compte : la durabilité des comportements, des infrastructures, des services et des systèmes. Ces éléments sont complémentaires.

Image : Hub d'Hygiène

1. Changement de comportement : Pour augmenter et maintenir les comportements d'hygiène, comme le lavage des mains ou le port de masques, nous devons nous demander si ces pratiques sont susceptibles de continuer une fois que la campagne de sensibilisation active aura pris fin. Deux examens systématiques des changements de comportement liés à l'hygiène portent sur la durabilité. Leur conclusion est que la durabilité des programmes de changement de comportement est limitée (Étude 1, Étude 2). Une des études a analysé les facteurs qui influencent la durabilité des comportements du WASH, mais les conclusions n'ont pas été concluantes. Cependant, les facteurs décrits ci-dessous peuvent favoriser l'adoption du comportement de lavage des mains pendant le programme et son maintien après le programme :

  • Les connaissances ne suffisent pas pour obtenir un changement de comportement durable – Les interventions sans échange et participation qui ont pour but d'apporter plus de connaissances et de compétences n'ont eu aucun effet sur l'assainissement. Elles n'ont pas non plus conduit à un changement durable du comportement de lavage des mains.

  • Concevoir des programmes basés sur la théorie et analyser les déterminants du comportement – Les interventions basées sur la théorie ont plus de chance de voir un changement de comportement dans le lavage des mains. Les interventions de changement de comportement qui combinent la théorie psychosociale avec un environnement favorable sont de nature à favoriser le lavage des mains et à rendre l'entretien des stations de lavage des mains plus facile. Le fait d'étudier une série de déterminants du lavage des mains, plutôt que quelques facteurs seulement, peu probablement aussi conduire à des changements durables.

  • Promouvoir la responsabilisation, le leadership et le soutien au sein de la communautéLes ressources psychologiques et communautaires (ex. le soutien social de la famille et de la communauté) peuvent encourager les comportements. L'engagement de la communauté dans la gestion du programme, de la planification à la conception, à la mise en œuvre et à la supervision, aura probablement pour effet de la responsabiliser. Quelques exemples d'approches communautaires pour les interventions de WASH comprennent l'Assainissement total piloté par la communauté (ATPC) et l'évaluation rurale participative (PRA) qui ont un composant d'assainissement. Pour que le changement de comportement puisse être durable, une "dose" suffisante doit être atteinte. Pour l'obtenir, les programmes doivent toucher les populations cibles plusieurs fois et les impliquer. La communauté doit donc s'engager à long terme. Il faut également que les programmes disposent des meilleurs moyens pour toucher tous les membres d'une société. L'utilisation de plusieurs réseaux de distribution peut également permettre d'obtenir une "dose" suffisante et optimiser les programmes pour changer les comportements à court et à long terme

  • Travailler pour qu'une habitude soit garder sur le long terme – Pour qu'un comportement devienne une habitude, il faut qu'il devienne semi-automatique ou entièrement automatique et réponde aux problèmes courants. La création d'un environnement physique et social favorable peut donc contribuer à la mise en place d'une habitude. Le changement de comportement peut être facilité en donnant des conseils sur le moment où le lavage des mains ou le port du masque dans un cadre institutionnel doivent être respectés. Pour que les habitudes s'installent, il faut normalement a) un cadre stable, immuable dans lequel le comportement est respecté, b) un accès continu aux produits nécessaires pour respecter le comportement, c) une routine ou une série de mesures existantes dans lesquelles le nouveau comportement souhaité peut s'inscrire, et d) des notions modulées sur les normes sociales liées à ces comportements. Les repères visuels peuvent rappeler qu'il faut continuer à garder de bonnes pratiques d'hygiène. Les interventions juridiques et réglementaires peuvent favoriser un changement de comportement durable dans l'intérêt de la santé publique. Voici quelques exemples de la manière dont les réglementations peuvent influencer les résultats en matière de santé publique et entraîner des changements de comportement à long terme : Des lois limitant la vente de produits du tabac aux mineurs, restreignant le tabagisme dans les lieux publics et imposant le port de la ceinture de sécurité au volant.

  • Aborder les facteurs de motivation du comportementLes facteurs de motivation, comme le plaisir et la satisfaction de se laver les mains, l'autodétermination et la reconnaissance peuvent contribuer à des comportements durables. L'hygiène peut apporter un plaisir sensoriel, comme se sentir bien une fois les mains lavées avec du savon. La campagne SuperAmma visant à promouvoir le lavage des mains dans le sud de l'Inde a été une réussite dans le changement des comportements, comme par exemple avec la motivation des mères à élever leurs enfants et leur garantir un meilleur avenir. Une autre étude menée au Népal, au Pakistan et aux Philippines a analysé d'autres émotions pour motiver le lavage des mains, notamment la honte et le respect.

  • Exploiter les normes locales – Il faut parfois du temps pour changer les normes sociales. Toutefois, il peut être relativement facile de modifier les perceptions normatives (c'est-à-dire comment les gens perçoivent ce qu'ils font ou la manière dont les autres devraient se comporter) et cela peut contribuer par la suite à modifier les comportements. Les messages normatifs peuvent attirer l'attention sur le comportement des autres et faire prendre conscience aux gens que les autres sont attentifs à leur comportement. Il est prouvé que les gens se lavent plus les mains lorsqu'ils sont observés ou en présence d'autres personnes. Cependant, le lavage des mains peut souvent se faire dans des lieux privés ou dans des lieux où les autres peuvent difficilement observer le comportement (par exemple, les salles de bain). Pour surmonter ce problème, d'autres mécanismes au sein des programmes peuvent attirer l'attention sur les comportements normatifs. Il peut s'agir de montrer des personnes se lavant les mains et adoptant des comportements de prévention sur les médias sociaux ou à la télévision. Une étude menée en Éthiopie a montré que les normes contraignantes (comportements approuvés ou désapprouvés par d'autres) et les normes descriptives (comportements pratiqués par d'autres) avaient plus tendance à inciter au lavage des mains. Elle a mis en évidence qu'une intervention exigeant un engagement public à se laver les mains contribuerait à promouvoir ces deux types de normes et conduirait probablement à renforcer le lavage des mains.

Le tableau ci-dessous est basé sur un examen systématique des interventions de changement de comportement en matière de lavage des mains et d'assainissement et donne un aperçu de la manière dont l'adoption, l'adhésion et la durabilité sont susceptibles de varier d'une intervention à l'autre. Les approches communautaires et les interventions basées sur la théorie ont plus de chance d'aboutir à l'adoption et à l'adhésion, mais ne sont pas encore suffisamment solides pour soutenir la durabilité.

2. Technologie de soutien durable : La durabilité peut poser problème si le comportement n'est pas pratique et facile à adopter. La mise en place d'une infrastructure est essentielle pour que le comportement soit pratique. Il est donc indispensable de disposer d'un approvisionnement continu de produits pour entretenir l'infrastructure (Étude 1, Étude 2). Si les programmes impliquent la mise à disposition des infrastructures ou encouragent les communautés à investir dans des infrastructures qui favorisent certains comportements (comme les postes de lavage des mains à la maison, les établissements de santé et les lieux publics), il est alors important de réfléchir à la manière de mettre en place un système pour préserver cette technologie. Ce document explique comment la conception des établissements de lavage des mains peut avoir un impact sur le lavage des mains. Si les installations ont été demandées, il est plus probable qu'elles soient utilisées et entretenues. Au cours de la COVID-19, le nombre d'organisations investissant dans des installations de lavage des mains dans les lieux publics a augmenté de façon spectaculaire. WaterAid et Sanitation Learning Hub ont élaboré des guides sur les installations publiques de lavage des mains qui expliquent comment permettre le fonctionnement et l'entretien continus de ces installations. La durabilité des installations de lavage des mains doit être prise en compte dès le départ. Il convient notamment d'impliquer la population cible dans la conception des installations afin de s'assurer qu'elles conviennent, qu'elles répondent à une demande et qu'elles soient accessibles à tous. La durabilité peut également être améliorée en construisant les installations à partir de matériaux durables ou pouvant être remplacés facilement et localement. Il est également recommandé d'établir un programme d'exploitation et de maintenance avec les institutions ou les communautés locales, ainsi que de définir les rôles et les responsabilités de chacun en ce qui concerne le financement, l'achat et le réapprovisionnement en eau et savon, le nettoyage de l'installation (et la manière dont elle doit être nettoyée) et la réparation de l'installation en cas de dommages.

3. Construire des services durables : Certains comportements, comme le lavage des mains au savon, nécessitent des infrastructures, des produits et un accès à des services comme un approvisionnement régulier en eau. La pandémie a mis en évidence les inégalités mondiales persistantes en matière d'accès à l'eau et sur l'importance de promouvoir des services inclusifs qui fournissent de l'eau à tous les sous-groupes de la population (par exemple, les personnes vivant dans des zones rurales, les personnes déplacées et celles qui vivent dans des camps ou les personnes handicapées). Au cours de la pandémie, les gouvernements et les fournisseurs de services d'eau de nombreuses régions ont adapté leurs services et mis en place des mécanismes permettant aux populations d'accéder davantage à l'eau ou de la rendre plus abordable. Par exemple, certains gouvernements en Afrique ont foré des puits supplémentaires ou organisé des services de transport d'eau par camion à court terme pour les communautés qui manquent d'eau. D'autres pays ont renoncé aux factures d'eau ou accordé des subventions pour l'eau pendant la pandémie. Alors que le financement pour lutter contre la COVID-19 diminue ou que les initiatives s'essoufflent, il est important de ne pas voir un retour au statu quo. Une approche systémique coordonnée permettra de créer un changement durable. Cela peut vouloir dire que les acteurs doivent mieux comprendre les vulnérabilités liées à l'eau en cartographiant l'accès et la régularité de l'approvisionnement en eau. Ces informations peuvent constituer un outil essentiel pour la défense des intérêts et la hiérarchisation des investissements à long terme dans les infrastructures hydrauliques. Deuxièmement, il faudra que les gouvernements, les organisations communautaires, les donateurs, les ONG et les consommateurs élaborent des stratégies et des programmes qui œuvrent activement en faveur de services d'eau plus durables. Le cadre de la programmation de l'UNICEF pour la durabilité des services de l'eau est un outil pratique qui permettra aux acteurs de trouver des solutions.

4. Construire des systèmes durables : Lors des épidémies, la coordination entre les acteurs non gouvernementaux et les gouvernements est souvent sous-estimée. Cependant, les épidémies passées ont montré que plus la phase est prolongée, plus ces systèmes de coordination se développent. Pour dépasser la phase aiguë de la pandémie de COVID-19, les mécanismes, les stratégies et les politiques doivent être coordonnées. Les programmes individuels doivent aussi être revus et adaptés en tenant compte de la durabilité et des changements au niveau du système. La COVID-19 a eu l'effet d'un "choc" pour les systèmes de santé internationaux. En même temps, elle a permis d'élaborer des systèmes de santé plus résistants sur le long terme. Avec des systèmes de santé efficaces, il serait possible d'identifier, de prévenir ou de limiter la propagation des prochaines épidémies, mais également de réduire l'impact des problèmes de santé chroniques comme les maladies diarrhéiques. Cet article explique que pour répondre à un tel "choc", il faut améliorer les systèmes d'information sanitaire, les mécanismes de financement/recherche de fonds et mieux former le personnel de santé. Pour réaliser ces changements, il faut mener des actions de sensibilisation afin de mettre en évidence les lacunes du système de santé et d'élaborer des politiques et des stratégies pour y remédier. De nombreux programmes liés à la COVID-19 ont également été "verticaux", ce qui signifie qu'ils ne font que prévenir ou traiter la COVID-19. À ce stade de la pandémie, il est essentiel d'avoir une vision plus "horizontale", ce qui veut dire lutter contre la COVID-19 en intégrant d'autres aspects courant de la programmation en matière de santé. Le système de santé en sera renforcé et ainsi, les services de santé et d'hygiène ne subiront ni interruption ni baisse de qualité.

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Notes de révision

Rédigé par : Elli Leontsini, Peter Winch et Anika Jain
Vérifié par : Tracy Morse, Helen Hamilton, Dan Jones, Sian White, Jenala Chipungu
Article mis à jour le : 04/01/2021

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